De poulain à cheval de Grand Prix, la route est longue (3)

Faire naître l’un des meilleurs chevaux du monde, voilà ce dont rêvent la plupart des éleveurs. La route est pourtant longue avant que leur protégé n’atteigne des sommets. La vie du cheval, de sa conception jusqu’à son arrivée à haut niveau, est rythmée par de nombreuses étapes.

Au travers de ses newsletters, le CHI de Genève vous emmène sur les marches qui jalonnent cette aventure. Après la naissance et les premières années, il est temps de vous faire découvrir les secrets du débourrage.

L’une des étapes les plus importantes lors des premières années de vie des chevaux, ce sont les premiers contacts avec l’homme. Bien sûr, les poulains sont dès leur plus jeune âge manipulés, contrôlés, par leur soigneur, leur vétérinaire. Mais à partir de 3 ans intervient un apprentissage plus approfondi. C’est l’étape du débourrage. Rencontre avec Raphaël Moynat qui consacre le plus clair de son temps à créer un lien avec ces jeunes chevaux.

Impliqué dès son plus jeune âge dans l’écurie familiale de Germagny à Viry, proche de la frontière genevoise, Raphaël Moynat est aujourd’hui en charge des installations. Sa spécialité ? Le débourrage, et les chevaux dit «à problèmes». Chaque année, il prend sous son aile une dizaine de poulains qui démarrent le travail du débourrage. «On a toujours eu des jeunes à l’écurie, mais je montais davantage des chevaux d’expérience. Mon père m’a dit un jour qu’il était temps de me faire la main avec les jeunes aussi. J’ai commencé sans vraiment savoir exactement ce que je faisais ! Il y a bien sûr des bases, que l’on comprend rapidement, mais chaque cheval est différent. Ce sont eux qui m’ont appris.»

Adaptation et patience sont les maîtres mots de celui qu’on appelle Raffu. Le cavalier de 41 ans a cependant eu la chance de rencontrer lors d'un stage il y a quelques années Patrizio Allori, grand homme de cheval qui se base notamment sur les méthodes ancestrales de l’équitation, ou plutôt sur la compréhension mutuelle entre les chevaux et les hommes. «J’avais intégré des codes, mais il m’a apporté une véritable vision», explique Raphaël.

Instaurer une relation de confiance

«Je ne saurais pas exactement expliquer, mais c’est vraiment à force d’être avec les chevaux, de les voir évoluer, que j’ai vraiment compris les codes à mettre en place», raconte Raffu. Le travail démarre à pied, dans un manège, histoire d’instaurer une relation de confiance, mais aussi de respect. «Il faut que je capte son attention. C’est comme dans la hiérarchie d’un troupeau en liberté, finalement. Ma gestuelle, mes intonations et mon positionnement donnent au cheval les indications de ce que j'attends de lui en terme de transitions, de changements de directions, par exemple. Mais pour cela, il faut aussi qu’il se sente en sécurité.» Parfois, l’exercice doit être répété plusieurs jours d’affilée pour que le poulain comprenne exactement où l’homme veut en venir. Patience est mère de vertu… surtout avec les chevaux !

«Il n’y a pas de timing précis. Je sens quand c’est le bon moment de franchir une nouvelle étape. C’est important que le cheval ait le sentiment que c’est amusant, stimulant, et non pas contraignant.» Mettre une selle, un filet, enjamber quelques cavaletti… Le travail à pied crée un véritable lien entre l’homme et le cheval. Une fois le poulain familiarisé avec cette phase, Raphaël peut commencer à monter et descendre de la monture, de chaque côté, avec ou sans la selle. «Chaque séance est différente, mais une fois le lien établi, je suis leur personne de référence. Ils me cherchent dans l’écurie, me suivent dans le manège. Je ne suis donc pas la première personne qui monte sur leur dos pour le travail à la longe. Je dois rester visible pour qu’ils se sentent en sécurité.» C’est ici qu’intervient en général Isis, la groom de Raphaël, qui fait les premiers pas sur la selle d’un jeune cheval.

Ne pas être pressé…

Selon l’écoute des chevaux, il faut environ deux semaines pour les premières longes, montées au trot et au galop. Pour les premiers sauts enchaînés, il faut compter environ un mois. «Chacun a son propre rythme. Il faut parfois répéter de nombreuses fois une étape avec l’un ou l’autre, mais ensuite cela peut aller très vite.» Après tout ce travail effectué, les poulains retournent en général au pré, où ils finiront de se former, de grandir, de se muscler. Au retour de la pluie et du froid, ils reviennent ensuite pour un deuxième débourrage, souvent plus rapide, car les codes ont déjà été intégrés une première fois. Et si cela peut paraître rébarbatif de répéter sans cesse la même chose, Raffu ne le voit pas de cet œil-là: «Je ne suis jamais pressé. J’adore voir leur évolution. Ce que je préfère, c’est ce contact que tu crées avec eux, quand tu claques la langue à quelques mètres de l’écurie et que les chevaux sortent immédiatement la tête de leur box pour te voir arriver. C’est parfois difficile de laisser partir certains chevaux chez son propriétaire pour le début du circuit des 4 ans, mais je suis ravi quand je retombe sur l’un d’eux en concours dans les 6 ans, et que je vois que cela se passe bien.»

Le débourrage, c’est ainsi un savant mélange de patience, d’écoute, d’envie de bien faire, de savoir s’adapter et de se remettre en question. Et surtout, c'est de respect réciproque entre l'homme et l'animal. C'est pour ces raisons-là que le bouche à oreille a si bien fonctionné pour faire découvrir Raphaël Moynat à de nombreux éleveurs, propriétaires ou cavaliers… Parce que, comme il le dit si bien, «ce que j’ai acquis aujourd’hui, je ne le savais pas hier, et j’en saurai encore plus demain.»

Propos recueillis par Aurore Favre

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