Femmes © CHI de Genève / Soraya Exquis

Où sont les femmes ? (1/7)

Cavalières, cheffes de piste, vétérinaires, grooms, directrices sportives et organisatrices d’événements 5*, éleveuses, maréchales-ferrantes, speakerines de concours… La liste est longue. La gent féminine embrasse une part de plus en plus importante dans la filière équine. Et que dire des femmes de cavaliers internationaux qui vouent souvent leur vie à la carrière de leur mari, ou de ces mères qui vibrent à chaque départ en piste de leur progéniture ?

Femmes © CHI de Genève / Soraya Exquis

Pour rendre hommage à toutes ces femmes, et tenter de répondre aux questions sous-jacentes de leur place dans l’industrie équestre et aux nombreux paradoxes qui s’y dessinent, une série spéciale leur est dédiée dans les sept newsletters du CHI de Genève qui rythmeront votre année 2023. Pour ce numéro d’ouverture, place aux constats et questions d’ensemble.

L’équitation, seul sport mixte olympique, présente certains paradoxes, et toutes ses disciplines ne répondent pas aux mêmes constats. Une chose est sûre cependant : les femmes pratiquent l’équitation en masse. Un rapport de 2014 de la Fédération Suisse des Sports Équestres (FSSE) constatait ainsi que sur les quelques 140'000 pratiquants, entre 85 et 95% étaient des femmes. Plus récemment, le bulletin annuel de la FSSE rappelle qu’en 2021, 90% des brevets et 78% des licences étaient activés par des femmes. Pour autant, les proportions semblent s’inverser à haut niveau, notamment en saut d’obstacles. Ainsi, aucune cavalière suisse n’apparaît dans le Top 100 des meilleurs mondiaux. À titre de comparaison, la Fédération Française d’Équitation observait qu’en 2021, 83,7% des licences compétitions (tous niveaux confondus) étaient enregistrées par des femmes. Or, seules Pénélope Leprevost et Mégane Moissonnier parviennent actuellement à se hisser dans le Top 100 du classement mondial de saut d’obstacles, respectivement au 55e et 91e rang. Et ces deux nations ne sont pas isolées ! C’est bien simple, aujourd’hui, en CSI (tous niveaux confondus), 60% des compétiteurs sont des compétitrices, d’après la Fédération Équestre Internationale (FEI) ! Pourtant, on n’en retrouve actuellement aucune dans le Top 30 mondial, et seules trois s’intercalent dans le Top 50 : les Américaines Laura Kraut (27e) et Lillie Keenan (36e), ainsi que l’Allemande Janne Friederike Meyer-Zimmermann (48e).

Femmes © CHI de Genève / Soraya Exquis

Comment donc expliquer un tel paradoxe entre l’imposante majorité de cavalières licenciées et le peu d’élues ? Pour Marie Pellegrin, cavalière tricolore ayant concouru sous couleurs helvétiques de 2014 à 2019, les choses commencent à changer, mais beaucoup de clichés ont la peau dure. « Contrairement aux hommes, les femmes doivent choisir entre leur vie de femme et/ou de mère et leur vie professionnelle, et elles seront jugées si elles placent leur vie professionnelle en priorité. La discipline pour atteindre le haut niveau est telle que si vous avez des enfants ou que vous aspirez à une vie de famille, il est impossible de partir en concours aux quatre coins de la planète tous les week-ends. Enfin, la maternité vous met forcément en retrait du sport et de la compétition », argue-t-elle, malgré la mesure de la protection du classement mise en place par la FEI et le Club des cavaliers internationaux (IJRC) en cas de grossesse, ou pour toute raison médicale certifiée.

Femmes © CHI de Genève / Soraya Exquis

À contrario, en complet – et plus encore en dressage, où les sept premières places sont briguées par les femmes –, les femmes s’imposent parmi les meilleurs, deux cavalières briguant actuellement les 2e et 3e places du classement mondial, respectivement détenues par la Néo-Zélandaise Jonelle Price – son mari est en tête ! – et la Britannique Rosalind Canter. En tout, vingt-quatre complétistes féminines apparaissent dans le Top 50, dont quatorze dans le Top 30. « Cela s’explique en partie par la fréquence moindre des compétitions. En CCI 5*, on ne concourt pas tous les week-ends», argumente Marie Pellegrin. Quant au dressage, les proportions s’inversent, trois hommes seulement pointant dans le Top 10. Peut-être cette discipline a-t-elle connu les mêmes clichés que la danse classique, par exemple ? « Je pense que c’est une partie de l’explication, analyse Antonella Joannou de Rham, cavalière suisse de dressage. C’est cliché, mais parmi les hommes adeptes de ma discipline, les homosexuels sont nombreux ! Le dressage laisse par ailleurs une part moindre de risques, c’est une perspective intéressante lorsque l’on devient maman. Les mœurs à cet égard ont cependant un peu changé. À l’époque, j’avais pris un cours avec Kyra Kyrklund, qui m’avait dit très franchement que si je voulais avoir des enfants, c’en était terminé du haut niveau. Heureusement, nous sommes nombreuses à lui avoir prouvé le contraire aujourd’hui. » Enfin, en attelage à quatre chevaux, épreuve reine de la discipline, seules deux femmes apparaissent dans le Top 50…

Femmes © CHI de Genève / Soraya Exquis

Nouvelles générations

Pour autant, les changements de mœurs commencent à faire bouger les lignes. Selon Marie Pellegrin, les cavalières devraient s’imposer assez rapidement aux meilleures places mondiales : « Il existe de plus en plus de femmes indépendantes et de plus en plus d’amatrices fortunées, américaines notamment, disposant vraiment du talent et des moyens pour atteindre le très haut niveau. Je suis convaincue que sous peu, il y aura donc davantage de femmes dans le Top 100. Et en Europe également, car les propriétaires leur font de plus en plus confiance. » Au regard du classement mondial des cavaliers de moins de 25 ans, le nombre d’amazones semble effectivement déjà remonter, puisque neuf d’entre elles s’intercalent dans ce Top 30 et le double dans le Top 50.

Autour du sport

Outre ces paradoxes et divergences au sein même du sport, qu’en est-il de la place des femmes dans les métiers qui gravitent autour du monde du cheval ? Si la corporation des vétérinaires semble s’être largement féminisée, comment les praticiennes évoluent-elles dans ce milieu initialement très masculin ? Comment expliquer le peu de femmes cheffes de piste, face à l’hégémonie de leurs homologues masculins sur les plus grands événements mondiaux ? Les questions sont inévitablement similaires au regard de la place des femmes ayant embrassé des carrières de maréchale-ferrante, dentiste équine, éleveuse – à l’image d’Evelyne Bussmann, par exemple, élue éleveuse de l’année 2022 en Suisse, récompensée au CHIG – ou autres organisatrices de concours prestigieux (de plus en plus nombreuses) et ce, malgré leurs compétences et savoir-faire… Autant de pistes à explorer et de sujets pour nourrir nos prochaines newsletters.

Sarah Fanchon

Un peu d’histoire… avec les Amazones

Souvent peut-on voir ou entendre le terme « d’amazone » dans les médias pour parler d’une cavalière et illustrer, ainsi, son savoir-faire équestre. Et pour cause ! Dans la mythologie grecque, les Amazones étaient des guerrières hardies, que les Hellènes considéraient à l’égal des hommes. Elles se battaient en selle à coups de hache ou de lance et savaient tirer à l’arc. Historiquement, des découvertes archéologiques de sépultures datant du Ve siècle avant notre ère ont révélé l’existence de guerrières scythes, vêtues de pantalon. Nomades, les Scythes auraient sans doute largement inspiré les légendes grecques…

Enfin, la monte EN amazone – avec les deux jambes du même côté de la selle – était la seule convenue pour les femmes, grosso modo dès le Moyen-Âge jusqu’au début du XXe siècle. Ce n’est qu’à l’entre-deux-guerres que les mœurs changèrent et que la monte à califourchon fut acceptée pour la gent féminine. Quelques cavalières rebelles avaient néanmoins déjà troqué leur tenue d’amazone pour un pantalon, à l’image d’une certaine Calamity Jane. La Suisse compte par ailleurs l’une des plus grandes cavalières ayant concouru en amazone : Renée Schwarzenbach-Wille, parmi les plus titrées d’Europe entre 1926 et 1934. À noter également que le CHI de Genève était précurseur et mettait à l’honneur une amazone sur l’affiche de sa première édition en 1926 !

Femmes L'affiche du CHI de Genève en 1926 affichait une amazone ! - © CHI de Genève

Schwarzenbach Renée Schwarzenbach Wille en 1927: la mode et la monte en amazone n’ont pas empêché la cavalière de franchir des obstacles périlleux. - © Archiv Frei

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