Cela faisait trois longs mois que Steve Guerdat était absent des terrains de concours à la suite de son opération d’une douloureuse hernie discale. Le vice-champion olympique et champion d’Europe en titre a effectué son retour à Gorla Minore, puis enchaîné avec Rome, Saint-Gall et La Baule. C’est à l’occasion du CSIO français que votre newsletter a pu rencontrer le cavalier jurassien pour faire le point sur son retour à la compétition, son état de santé et la bonne forme de ses chevaux. Steve Guerdat a semblé de nouveau en pleine possession de ses moyens dans la cité balnéaire, affichant notamment un magnifique double sans-faute dans la Coupe des Nations avec Albführen’s Iashin Sitte, puis s’imposant avec maestria dans le mythique Derby avec Easy Star de Talma, signant le seul parcours sans pénalité de l’épreuve. Rencontre.
Steve, comment allez-vous ?
Steve Guerdat: Je me sens très bien. De mieux en mieux. À cheval, tout va bien. Il reste quelques petites gênes à gauche ou à droite, mais tout est sur la bonne voie.
Pendant près de trois mois, vous avez été absent des terrains de concours. Comment avez-vous vécu cette période de repos forcé ?
Beaucoup mieux que ce que les gens pensaient sans doute et, surtout, mieux que je ne pouvais l’imaginer. Tout le monde sait à quel point j’aime la compétition et mes chevaux. J’ai l’habitude de concourir quasiment chaque semaine depuis vingt-cinq ans. Mais je me suis moi-même étonné, car j’ai finalement très bien vécu cette période.
À cinq semaines de la finale de la Coupe du monde à Bâle, la décision d’arrêter s’est imposée. Il ne me venait même plus à l’esprit de me mettre à cheval, tellement j’avais mal. Je n’ai pas eu à réfléchir à l’opération ni à me demander si je pouvais pousser jusqu’à cette finale. Ces deux dernières années, je savais que devais me faire opérer des ménisques, par exemple, mais j’arrivais à supporter la douleur. J’avais pu terminer la saison 2023 avec le ménisque gauche abimé, puis la saison 2024 avec le droit, mais j’avais alors pu programmer leurs opérations respectives. Là, il fallait agir tout de suite, et plutôt à l’instant T que le lendemain, donc ce n’était pas un choix. Honnêtement, je n’aurais pas pu tenir trois jours de plus.
Avant l’opération, les médecins m’avaient averti que cela risquait d’être plus long qu’envisagé. Après l’intervention, je n’étais pas tenté de remonter à cheval. Le simple fait de regarder mes chevaux sauter à la maison me faisait mal. J’avais des frissons dans le corps, et le sentiment de ressentir toutes les vibrations. Mais simultanément, c’était chouette d’être à la maison. J’avais une excuse pour ne pas voyager, pour rester tranquille. Des vacances forcées en quelque sorte. Et, après quinze jours, j’ai commencé la physiothérapie, à raison de deux séances hebdomadaires. C’était basique au début, mais chacune durait environ une heure à une heure et demie. Cela me prenait donc pas mal de temps, et les journées étaient dès lors bien remplies, car je passais en outre trois fois par jour aux écuries. C’était plutôt agréable, et tout est allé très vite.
Considérez-vous que cette hernie discale a été une sirène d’alarme ? Allez-vous davantage vous écouter maintenant ?
Oui, c’est sûr. Je pense que ma condition va évoluer encore mais, pour le moment, je n’ai aucune tentation d’en faire trop, car je ne peux tout simplement pas. Le matin, une fois levé, il me faut une heure et demie d’exercices pour me mettre en route et gagner en mobilité dans le dos afin que mon corps s’assouplisse un peu. Ensuite, je peux démarrer ma journée, et je m’astreins à monter cinq chevaux par jour. Une fois que je les ai montés, ou, le week-end, que j’ai disputé en concours mes trois ou quatre épreuves, je suis rincé. Donc je ne suis pas tenté de faire d’autres choses en plus. Mais j’ai trouvé ma routine.
À voir vos résultats à Rome, Saint-Gall et La Baule, vous semblez plutôt bien remis, tout comme vos chevaux. Cette parenthèse forcée a-t-elle finalement été bénéfique pour eux ?
Bien sûr. Vous ne m’entendrez jamais dire qu’une pause ne fait pas de bien à un cheval. Certains disent qu’il vaut mieux qu’ils soient toujours en activité, mais une coupure est à mon avis toujours bénéfique pour eux. Cela étant, il faut les remettre intelligemment dans le coup, et cela peut prendre plus de temps avec certains chevaux que d’autres.
Comment avez-vous appréhendé la reprise du sport ?
J’avais une certaine crainte, parce que j’avais en tête le souvenir des dernières semaines avant l’opération, notamment de mes tout derniers parcours. Mais la reprise se passe bien, et à chaque journée de concours, je me sens mieux. Cela me rassure. Pour le moment, je n’ai pas eu de mauvaise surprise. La seule chose que je remarque, c’est que certaines choses que je faisais avant sans réfléchir sont devenues fatigantes. Notamment les voyages, ou encore une activité banale comme marcher la piste, par exemple. C’est un peu plus compliqué qu’avant. Je dirais que, dans la vie normale, je suis aujourd’hui à 70% de mes capacités physiques. En revanche, à cheval, je me sens aussi bien qu’avant.
On imagine que vous avez les championnats d’Europe en ligne de mire afin de défendre votre titre ?
Plus encore que les Européens, Aix-la-Chapelle est mon objectif numéro un. D’abord parce que c’est un Grand Prix qui manque à mon palmarès et me tient à cœur, et ensuite parce que chacun sait que les championnats du monde auront lieu à Aix-la-Chapelle l’année prochaine. Je compte y monter Dynamix. Ensuite, et en me projetant jusqu’en septembre, les Européens sont en ligne de mire, suivis de Calgary. J’y monterai respectivement Iashin et Venard de Cerisy. Comme ça, chacun aura son objectif.
Propos recueillis par Sophie Lebeuf
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