Danièle Mars © Eric Knoll / Jumping de Dinard

Où sont les femmes ? (3/7)

Cavalières, cheffes de piste, vétérinaires, grooms, directrices sportives et organisatrices d’événements 5*, éleveuses, maréchales-ferrantes, speakerines de concours… La liste est longue. La gent féminine embrasse une part de plus en plus importante dans la filière équine. Et que dire des femmes de cavaliers internationaux qui vouent souvent leur vie à la carrière de leur mari, ou de ces mères qui vibrent à chaque départ en piste de leur progéniture ? Pour rendre hommage à toutes ces femmes, et tenter de répondre aux questions sous-jacentes de leur place dans l’industrie équestre et aux nombreux paradoxes qui s’y dessinent, une série spéciale leur est dédiée dans les sept newsletters du CHI de Genève qui rythment votre année 2023. Pour ce troisième numéro, portrait de Danièle Mars, cheffe d’orchestre de l’un des plus prestigieux concours sur terre française.

Danièle Mars voit la vie en rose

Du 27 au 30 juillet derniers se tenait le Jumping International de Dinard – CSI5* sur la côte d’Émeraude. Malgré une météo un tantinet capricieuse, le Grand Prix Rolex a offert au public un grand moment de sport, avec un plateau rassemblant la crème de la discipline. Aux commandes de cet événement connu, reconnu et plébiscité par l’élite du jumping : Danièle Mars. Portrait d’une passionnée, exigeante et généreuse, qui ne laisse rien au hasard.

C’est une véritable enthousiaste et femme de cheval qui dirige le Jumping de Dinard depuis 2013. « Mon père, cavalier, m’a donné le virus du cheval. Quand j’avais trois ans, il m’apprenait à tenir les rênes, assise sur un tabouret. À mon tour, j’ai transmis cette passion à mes enfants qui travaillent d’ailleurs à mes côtés dans l’organisation du CSI 5* de Dinard », entame Danièle Mars, le sourire aux lèvres, ravie de l’édition 2023 achevée la veille au soir. « C’est fabuleux d’avoir pu compter sur un tel plateau de cavaliers. Nous avions vraiment l’élite du saut d’obstacles. Je pense que les cavaliers ont un véritable engouement pour ce concours, comme pour Genève en indoor. L’ambiance est d’ailleurs assez proche du Concours Hippique International de Genève. On y retrouve le même état d’esprit, avec notamment des bénévoles qui se sentent bien et qui sont considérés. Les cavaliers apprécient particulièrement le terrain de Dinard, qui est très spécifique avec ses dénivelés, ses arbres, sa forme tout en courbe. Ils le trouvent d’excellente qualité », s’enthousiasme-t-elle.

26/07/2023 ; Dinard ; International Jumping of Dinard © Sportfot / Jumping International de Dinard

Pour autant, rien de prédisposait Danièle Mars à revêtir la veste d’organisatrice de concours. Et pour cause. Si les chevaux ont toujours fait partie de sa vie, sa famille ayant même été propriétaire du célèbre Rochet M, médaillé de bronze olympique en 1996 et champion d’Europe en 1999 sous la selle d’Alexandra Ledermann, Danièle Mars évolue depuis toujours dans un milieu professionnel extérieur au monde de l'équitation. Directrice des ressources humaines d’une société de conseils en stratégie créée avec son époux, elle s’est d’abord retrouvée, « par hasard », à la tête du Concours Hippique International de Fontainebleau, de 2007 à 2014. Et c’est finalement en 2013, sous les conseils de deux de ses enfants lui apprenant que les délégataires en charge de l’événement breton souhaitaient quitter leurs postes, qu’elle accepte de relever le défi, après avoir elle-même quitté la direction du concours bellifontain. « Dinard étant une délégation de service public, le contrat consistait en la gestion du centre équestre et l’obligation d’organiser un concours international. Ayant repris les rênes de l’événement le 1er avril 2013, il était difficile de proposer mieux qu’un 3* en juillet. L’année suivante, nous avons inscrit une étoile supplémentaire, et nous sommes devenus un CSI 5* en 2015 », retrace l’intéressée. C’est donc sur son temps libre et à côté de son activité professionnelle à 100% de DRH qu’elle s’adonne passionnément à l’organisation de ce concours de renom.

Originalité et singularité

À ce rôle de chef d’orchestre, Danièle Mars ne s’est jamais sentie moins écoutée, ni n’a rencontré de difficultés dues à son statut de femme. « Honnêtement, j’ai toujours fait partie d’instances, comme la Société Hippique Française ou le Stud-book Selle Français. Je n’ai jamais eu l’impression de devoir me confronter aux hommes, ni dans les réunions ni sur le terrain. Et puis, j’ai aussi un caractère bien affirmé. On peut dire que je suis très exigeante, mais aussi très fidèle aux fournisseurs qui répondent à mes attentes, par exemple. C’est donnant-donnant », affirme-t-elle. À bien regarder les organigrammes des plus prestigieux concours internationaux – de saut d’obstacles notamment –, force est de constater que les femmes se taillent la part du lion : Sophie Mottu Morel à la tête du CHI de Genève, Sylvie Robert à Equita Lyon et au Saut Hermès, Linda Southern-Heathcott pour les Masters de Calgary, ou encore Nayla Stössel pour le CSIO de St-Gall, entre autres. « J’ai beaucoup d’admiration pour des organisatrices comme Sophie Mottu Morel ou Sylvie Robert. Finalement, ce qui nous différencie des hommes est, je pense, notre originalité et notre capacité à proposer quelque chose de différent. Les hommes organisent souvent de tels événements en suivant un même schéma. Je pense que les femmes apportent une signature personnelle, qui singularise leurs événements. » Sa pâte à elle ? « Le souci du détail et d’une mise en scène du sport. »

La vie en rose

À ce titre, Danièle Mars n’a pas choisi le rose, signature de l’ambiance de son concours, par hasard. C’est, au contraire, un choix parfaitement assumé et réfléchi. « Ce n’est absolument pas ma couleur préférée, mais je trouve personnellement que c’est celle qui se marie le mieux avec le vert, couleur de notre partenaire Rolex. Cela symbolise aussi les fleurs. De plus, je trouve que cette couleur donne bonne mine. Quand le ciel s’assombrit, le rose permet de garder un peu de lumière », explique-t-elle. Au-delà de cette couleur signature, celle que l’on surnomme paradoxalement « La Dame en noir » – cette dernière affirmant que si elle aime les couleurs, ces dernières ne l’apprécient pas – souligne également le caractère familial de son concours. « Le Jumping est une organisation familiale, gérée avec mes quatre enfants, ce qui donne justement cette atmosphère particulière à l’événement, car elle englobe tous les participants comme une grande famille. » Sous la houlette de leur mère, présidente du concours, Axel tient ainsi le poste de directeur de l’évènement, Grégory celui de directeur sportif tandis que Frédéric gère la presse et la communication ; quant à Samantha, elle cumule les charges d’attribution des boxes et du respect millimétré du protocole de la manifestation.

Max Kuehner Jumping Dinard Max Kühner & Elektric Blue P, vainqueurs du Rolex Grand Prix de Dinard 2023 © Sportfot / Jumping International de Dinard

En dix éditions, la directrice, qui s’attache à déambuler partout et prendre le pouls de tous ses collaborateurs, exposants, cavaliers et prestataires au cours de l’événement, peut témoigner des évolutions de la discipline et des points d’attention à prendre en compte. « Aujourd’hui, je pense que les réseaux sociaux peuvent être dangereux, notamment lorsque certains postent des photographies figeant une fraction de seconde en un geste négatif, par exemple. Les réseaux sont bons dans un sens, mais peuvent aussi véhiculer des choses totalement erronées. Et d’un point de vue sportif, les cavaliers sont de plus en plus performants. En outre, nous ne pouvons que témoigner du travail mené avec notre chef de piste, notamment, pour ne jamais mettre les chevaux en difficulté. Et nous ne pouvons qu’admirer des champions comme Steve Guerdat, par exemple, qui incarne l’essence même du cavalier respectant ses chevaux, qui n’a pas de langue de bois et qui assume ses convictions. Tout comme Martin Fuchs, pour ne citer qu’eux, que je trouve particulièrement exemplaires. »

Quant aux cavalières, que l’on sait aujourd’hui peu nombreuses dans le Top 50 du classement mondial de la discipline, deux se sont néanmoins classées dans ce Grand Prix Rolex de la ville de Dinard : la Française Mégane Moissonnier sur Cordial et la Suissesse Janika Sprunger, de retour au plus haut niveau, respectivement aux 9e et 13e rangs ! Au lendemain de cette édition, remportée par l’Autrichien Max Kühner sur son fantastique Elektric Blue P, la directrice du Jumping international de Dinard – CSI 5* n’a qu’une seule pensée en tête : « être prête pour repartir l’année prochaine ! »

Propos recueillis par Sophie Lebeuf

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