Di Lampard © Scoopdyga

Où sont les femmes ? (4/7)

Cavalières, cheffes de piste, vétérinaires, grooms, directrices sportives et organisatrices d’événements 5*, éleveuses, maréchales-ferrantes, speakerines de concours… La liste est longue. La gent féminine embrasse une part de plus en plus importante dans la filière équine. Et que dire des femmes de cavaliers internationaux qui vouent souvent leur vie à la carrière de leur mari, ou de ces mères qui vibrent à chaque départ en piste de leur progéniture ? Pour rendre hommage à toutes ces femmes, et tenter de répondre aux questions sous-jacentes de leur place dans l’industrie équestre et aux nombreux paradoxes qui s’y dessinent, une série spéciale leur est dédiée dans les sept newsletters du CHI de Genève qui rythment votre année 2023. Pour ce quatrième épisode de notre série, nous nous sommes entretenus avec Di Lampard, cheffe de l’équipe de saut britannique.

Détermination et travail acharné

Rien ne destinait vraiment Di Lampard à une carrière dans le monde de l’équitation. Et pourtant, enfant déjà, la Britannique ne rêvait que d’une chose : un poney. De son premier shetland Oscar à la médaille de bronze par équipe aux championnats du monde de 1998 (à Rome avec Abbervail Dream), puis à sa nomination de cheffe d’équipe, le parcours de l’ex-cavalière de 66 ans n’a pas cessé d’évoluer et de rencontrer de nombreux succès. Di Lampard a accepté de discuter avec nous de sa vie, de ses choix, des bons et moins bons moments qu’elle a traversés. Sans filtre.

« Mes parents possédaient une ferme dans le comté de Leicestershire, et même s’ils n’avaient jamais travaillé avec des chevaux, nous étions proches des animaux, se souvient Di Lampard. Ils m’ont soutenue lorsque j’ai voulu un poney… et me voilà ainsi sur le dos d’Oscar, un shetland têtu comme un âne ! On ne pouvait absolument rien en faire, seul mon grand frère Tim arrivait à peu près à lui faire entendre raison. Moi, je passais la plupart de mes journées à pleurer (rires) ! On a fini par s’en séparer, et mes parents m’ont inscrite dans une école d’équitation. Cela dit, Oscar m’a appris qu’il allait falloir beaucoup de détermination et un travail acharné pour que j’atteigne mes objectifs. » Dès son adolescence, la Britannique est définitivement mordue et ne pense qu’aux chevaux. Les matins avant d’aller à l’école, les soirs et les weekends ne sont consacrés qu’à s’occuper des équidés. « J’ai démarré la compétition poney aux alentours de 14 ou 15 ans. Mais à l’époque, sur les terrains de concours, je n’étais déjà intéressée que par les “grands”. Mon idole absolue a d’ailleurs toujours été Caroline Bradley… »

« Fais-en un business »

Di Lampard Di Lampard et Abbervail Dream aux Européens à Hickstead en 1999 ! - © Alban Poudret / Le Cavalier Romand

Ses parents continuent de la soutenir, mais son père lui donne un conseil qu’elle n’oubliera jamais : « Si tu aimes ce que tu fais, et que tu veux continuer à le faire, fais-en un business. » Alors Di Lampard travaille à côté de ses études, et ses efforts finissent par payer. Elle acquiert d’excellents chevaux, grimpe peu à peu les échelons et finit par rayonner sur la scène internationale. Dans les années 90, accompagnée de son brillant Abbervail Dream, la Britannique remporte par deux fois la Queen Elizabeth II Cup, prestigieux Grand Prix sur le terrain de Hickstead, puis se pare de bronze par équipe aux Mondiaux de Rome en 1998.

En parallèle de sa carrière de cavalière, Di Lampard donne également de son temps en tant que cheffe d’équipe des poneys. Le destin veut que nombre de ses protégés d’alors représentent actuellement encore le Royaume-Uni au plus haut niveau … « Pour ne citer qu’eux, je montais aux côtés de John et Michael Whitaker, et retrouvait Robert Whitaker, fils de John, et Ben Maher dans les compétitions poneys », sourit la passionnée. C’est à cette période qu’elle rencontre son mari, Dietmar Ackermann, avec lequel ils transforment leur centre équestre de Spring Farm en un centre d'excellence pour l'entraînement et le développement des jeunes chevaux.

Si elle continue de monter jusqu’au début des années 2000, Di Lampard poursuit surtout son travail en tant que cheffe d’équipe. Elle s’occupe alors des jeunes cavaliers et remporte avec eux de nombreuses médailles aux Européens, puis devient « consultante chef de l’encadrement » pour la première équipe britannique, soit le bras droit de Rob Hoekstra. Ils accompagnent alors Nick Skelton, Ben Maher, Scott Brash et Peter Charles sur la plus haute marche du podium des Jeux Olympiques à Londres en 2012. À domicile, les Britanniques décrochent l’or par équipe et font le bonheur de tout un pays…

Un premier CV !

ECCO FEI World Championships 2022, Herning (DEN)Team Great Britain:  SCOTT BRASH, BEN MAHER, HARRY CHARLES, JOSEPH STOCKDALE and Chef d'Equipe DI LAMPARD after finishing bronze in Agria FEI Jumping World Championship 2022 in Herning, Denmark, August 12, 2022. Le bronze pour le Royaume-Uni aux championnats du monde d'Herning en 2022 ! De gauche à droite : Scott Brash, Ben Maher, Harry Charles, Joseph Stockdale et Di Lampard / © FEI

En 2015, Rob Hoekstra démissionne, et Di Lampard est pressentie pour lui succéder. « J’étais encouragée par de nombreux cavaliers, qui me disaient de foncer et de postuler. Mais j’étais un peu terrorisée, il faut bien l’avouer ! Je devais notamment faire un CV pour la toute première fois de ma vie... » Après quantité d’interviews « très éprouvants pour les nerfs et qui m’ont entièrement sortie de ma zone de confort », elle devient la première femme nommée cheffe d’équipe en Grande-Bretagne. Et l’une des rares au monde à porter cette prestigieuse casquette.

Voilà bientôt 30 ans que Di Lampard est impliquée dans l’évolution de son sport au Royaume-Uni. « Je suis extrêmement chanceuse, sourit-elle. Les défis sont nombreux, mais le jeu en vaut la chandelle. » Oui, elle a dû faire face à des choix difficiles, notamment celui de ne pas envoyer d’équipe aux Européens de Göteborg en 2017, les cavaliers préférant les GP bien dotés aux Coupes des Nations… Mais elle a également sauté de joie à plusieurs reprises, par exemple lorsque, aux Européens d’Aix-la-Chapelle en 2015, son équipe a obtenu sa qualification pour les Jeux de Rio. Ou l’or olympique autour du cou de son ami et compatriote Nick Skelton en individuel l’année suivante. Ou encore celle de Ben Maher à Tokyo en 2021 ! « À Aix, se souvient-elle, j’ai appris une leçon très importante. J’avais motivé mes troupes pour la qualification olympique, et nous avons finalement raté une médaille d’un cheveu… (ndlr. en faveur de la Suisse). Ce jour-là, j’ai réalisé qu’il fallait viser plus haut, l’équipe en était capable. »

Suivre l’exemple de Nick Skelton et Big Star

Di Lampard © Scoopdyga

Durant les trois décennies écoulées, Di Lampard est devenue l’une des figures emblématiques des sports équestres britanniques. Sa patience, son écoute, sa détermination, son excellent sens relationnel – tant avec les cavaliers qu’avec les chevaux –, font d’elle une cheffe d’équipe respectée et appréciée. « Je me suis attachée à mes cavaliers, à leurs chevaux, et j’espère les avoir inspirés à travailler dans le sens de leurs objectifs et non pas à courir seulement après l’argent dans des Grands Prix bien dotés. Je continue de leur donner comme exemple le parcours de Nick Skelton et Big Star, qui se sont préparés pour les grands championnats de façon admirable. Aujourd’hui, je perçois un changement d’attitude et de culture dans l’équitation dans mon pays, même si cela se verra seulement avec le temps. J’en suis fière. »

A-t-elle, durant toutes ses années de carrière, ressenti une différence d’être une femme face aux hommes… « C’est à ces derniers que vous devriez poser cette question ! J’espère avoir contribuer à l’envie de nombreuses cavalières de s’investir dans l’équitation. Notre sport est mixte, et c’est aussi ce qui le rend si unique. Pour ma part, je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir dû faire des sacrifices, mais j’ai eu la chance d’être toujours soutenue par mes proches. » La suite ? L’avenir le dira. « Lady » Di se concentre d’abord sur les échéances de l’hiver, puis, évidemment, sur les Jeux Olympiques de Paris. En espérant bien ramener une médaille sur ses terres bien-aimées…

Aurore Favre

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