Megret © Jessica Rodrigues

Où sont les femmes ? (7/7)

Cavalières, cheffes de piste, vétérinaires, grooms, directrices sportives et organisatrices d’événements 5*, éleveuses, maréchales-ferrantes, speakerines de concours… La liste est longue. La gent féminine embrasse une part de plus en plus importante dans la filière équine. Et que dire des femmes de cavaliers internationaux qui vouent souvent leur vie à la carrière de leur mari, ou de ces mères qui vibrent à chaque départ en piste de leur progéniture ? Pour rendre hommage à toutes ces femmes, et tenter de répondre aux questions sous-jacentes de leur place dans l’industrie équestre et aux nombreux paradoxes qui s’y dessinent, une série spéciale leur a été dédiée dans les newsletters du CHI de Genève qui ont rythmé votre année 2023. Pour ce septième et ultime épisode de notre série, nous nous sommes entretenus avec Geneviève Megret, éleveuse et propriétaire de renom, mais surtout grande passionnée de ses chevaux.

Geneviève Mégret : humilité et passion au service du grand sport

Au Haras de Clarbec, Geneviève Mégret s’éveille chaque matin avec la même motivation : observer l’évolution de ses protégés, des poulains de l’année à ses chevaux de Grand Prix. Propriétaire, mais également à la tête d’un élevage et d’un centre d’étalonnage, elle sait apprécier à sa juste valeur chaque instant de cette vie de passion, qu’elle partage avec sa fille Élise et son mari Dominique. Avec pour leitmotiv l’excellence, c’est tout naturellement que Geneviève Mégret s’est imposée dans notre série dédiée aux femmes influentes de la filière équine…

Megret © Jessica Rodrigues

Nayana, Nice Stephanie, Dame Blanche, Ratina, Vagabond de la Pomme, Flora de Mariposa, Sultane des Ibis ou, plus récemment, Mr. Tac : les cracks appartenant à Geneviève Mégret sont nombreux. « J’ai le cœur large. Tous y ont leur place », argue-t-elle, véritablement incapable, s’il le fallait, de n’en choisir qu’un. Mais cette vie de passion et cette aventure quotidienne débutée en 1998, c’est sans doute à Nayana qu’elle la doit un peu plus qu'aux autres : « J’aurais toujours un sentiment particulier pour elle, car elle m’a permis de franchir le pas vers le très haut niveau. »

La genèse

Cavalière éclairée, s’illustrant dans des épreuves jusqu’à 155cm, Geneviève Mégret a en effet passé une première partie de sa vie à composer entre sa passion dévorante – « J’aurais pu me relever la nuit pour monter » –, son activité de médecin généraliste et son rôle de mère de famille. Malgré l’équilibre réussi de cet emploi du temps chargé, elle peine finalement à s’adonner pleinement à sa passion. C’est que Geneviève a le goût de l’excellence et, pour y parvenir, il faut s’y atteler entièrement. Soutenue par son mari et sa fille, tous deux touchés par ce même virus du cheval, elle décide de tout plaquer. Exit la région parisienne et la médecine. Direction la Normandie avec ses chevaux pour de nouvelles aventures. Nous sommes alors en 1998, et elle s’installe au Haras de Clarbec, au milieu des vastes prairies normandes.

Megret © Jessica Rodrigues

Un jour, au hasard des rencontres et des visites chez des éleveurs, Geneviève découvre une certaine Nayana dans un pré. La pouliche, un peu revêche, semble bien détenir quelque chose de plus que les autres… Pari gagné pour la propriétaire, qui confie sa pépite à Félicie Bertrand, puis à Éric Levallois, Patrice Delaveau et Pénélope Leprevost. Dès son premier Grand Prix, la jument rafle une victoire. Le ton est donné, et Geneviève met un pied dans le grand bain. L’adrénaline des compétitions, les joies et les angoisses des grands jours commencent à la nourrir. Finalement, pourquoi ne pas continuer l’aventure avec d’autres chevaux ? C’est ainsi qu’elle se met en quête de montures d’exception, toujours en famille. Dès lors, on connaît la suite : Nice Stéphanie, Vagabond de la Pomme ou encore Flora de Mariposa, de nombreux cracks s’invitent dans la vie de la passionnée et lui permettent de découvrir les plus beaux terrains de concours : « Aix-la-Chapelle, Rome, Calgary, La Baule... et Genève, que j’affectionne tout particulièrement et auquel je suis très attachée. Ce concours est vraiment entièrement dédié au grand sport. On doit notamment cela à ses organisateurs qui font tout en ce sens. J’aime aussi particulièrement les Coupes des Nations et les grands championnats. Ce sont ces épreuves qui me font vibrer. »

Un pied dans le grand sport…

Félicie Bertrand, Pénélope Leprevost, Camille Condé-Ferreira : si les cavalières sont nombreuses à monter ou avoir monté les chevaux de Geneviève Mégret, il ne faut pas y voir un féminisme particulier, la propriétaire confiant tout autant ses chevaux à des cavaliers. « Peu importe le sexe, l’important est que l’entente passe bien entre nous et que j’aime leur manière d’appréhender ce sport ainsi que leur approche des chevaux. On pourrait être tenté de dire que les femmes sont parfois plus sensibles avec leurs montures, mais finalement je ne crois pas que ce soit totalement vrai. C’est l’occasion de rencontres plus qu’une volonté partisane de confier mes chevaux à un homme ou une femme.» Cette question sur la place des femmes dans le milieu équin, l’éleveuse l’a-t-elle ressentie en s’installant à son compte en Normandie ? « Vous savez, j’avais évolué avant dans le milieu médical qui est aussi très masculin à la base. Je pense que, comme partout, nous devons sans doute faire davantage nos preuves au départ. Mais une fois que nos compétences sont prouvées, alors la barrière tombe et il n’y a plus de différence. En tout cas aujourd’hui, je pense que cela a évolué vers un sens égalitaire », affirme-t-elle.

… et dans l’élevage

Megret © Jessica Rodrigues

Au-delà des terrains qu’elle arpente pour voir évoluer ses protégés, Geneviève Mégret ne compte pas ses heures au Haras de Clarbec où elle a peu à peu développé son élevage. « Cela a été très progressif. Nous avons commencé avec mes bonnes juments de concours. Depuis deux ans maintenant, nous comptons une quinzaine de naissances par an. Nous choisissons les croisements en famille, mais j’avoue qu’Élise est la mieux à même de choisir, tant elle est passionnée d’élevage. » Les poulains du Haras de Clarbec naissent alors sous l’affixe du GEM : G pour Geneviève, E pour Éliste, M pour Mégret – son mari donc. « Nous avons choisi ce nom comme un hommage à cette aventure familiale, et parce qu’une gemme est une pierre précieuse », explique-t-elle. Une chose en entraînant une autre, elle s’est également tournée vers l’étalonnage, son crack Vagabond de la Pomme s’imposant comme l’une des stars de son catalogue. Désormais, le rêve de Geneviève est de faire naître un futur crack de Grand Prix. « Nous ne sommes encore qu’un tout jeune élevage. Je n’aurais pas l’impertinence de penser que je suis une grande éleveuse. Il faut des générations. Je continue d’apprendre et j’aurai toujours quelque chose à apprendre. Mais, évidemment, faire naître un cheval performant à très haut niveau serait le Graal ultime. » C’est tout ce qu’on lui souhaite.

Propos recueillis par Sophie Lebeuf

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