la parole a eleonora ottaviani
(CG) cela fait vingt ans que vous êtes la
directrice de l’IJRc. Qu’est-ce qui vous
a poussé à vous impliquer dans cette
organisation ?
eleonora Ottaviani: C’est vrai, vingt ans
déjà ! Au départ, on m’avait demandé de
rédiger les statuts du club, puis je me suis
retrouvée sans m’y attendre aux commandes.
A l’époque, cela ne représentait que deux
rencontres par année. Aujourd’hui, il doit y en
avoir une cinquantaine ! Je n’aime pas que
l’on me colle l’étiquette d’une défenseuse des
cavaliers. Je ne suis au service de personne,
sinon du sport. Si je suis d’accord avec un
cavalier, je me lève pour le soutenir. Si je ne
suis pas d’accord, je me lève aussi, mais pour
discuter. Les sportifs me connaissent. Ils
m’aiment bien, mais je crois qu’ils ont aussi
un peu peur de moi.
L’IJRc entretient des liens étroits avec
le concours Hippique International de
Genève…
Genève a été le lieu des premières rencontres
entre cavaliers internationaux. Le concours
a accueilli des assemblées générales
importantes. Nous entretenons des valeurs
communes, cultivons une même philosophie
du sport. C’est donc tout naturellement que
Genève a par exemple accueilli une bonne
partie des 17 éditions de la fi nale du Top Ten
Rolex IJRC.
Quelles sont les grandes victoires
obtenues par l’IJRc ?
La plus importante, pour moi, est
l’établissement des listes de médication et
des substances interdites. Il faut rappeler
qu’il y a encore une vingtaine d’années, les
règles éthiques existaient pour les athlètes,
mais pas pour les chevaux. Ces listes ont été
une avancée majeure. Dans le même ordre
d’idée, on pourrait citer des progrès notables
sur les taxes d’inscription aux concours
internationaux, ainsi que sur l’attribution des
points aux rankings mondiaux. Enfi n, nous
sommes parvenus à nouer le dialogue avec
la Fédération Équestre Internationale (FEI).
Nous ne sommes pas toujours d’accord, mais
au moins nous nous parlons.
Mais il n’y a pas que des victoires…
Non, bien sûr. Je pense notamment au
changement de format imposé à l’hippisme
aux Jeux Olympiques, avec des équipes
qui passeront désormais de quatre à trois
cavaliers. Nous ne sommes pas parvenus
à arriver à un compromis, et c’est à mon
sens un vrai point noir pour notre sport.
Nous travaillons également toujours à
rendre le système d’invitation aux concours
internationaux plus équitable, et ce n’est pas
encore gagné.
Sentez-vous parfois poindre un certain
découragement ?
Cela peut arriver. Le rôle de directeur de
l’IJRC n’est pas facile. Vous n’êtes pas
rattaché à une fédération nationale, ne
l’êtes pas à la FEI, et n’êtes pas non plus
un cavalier. Cette solitude, parfois pesante,
est toutefois le prix à payer pour mon
indépendance, qui est ma principale force.
Elle me permet de suivre mes idéaux et de
prendre la route qui me semble la plus juste.
Lorsque l’on est actif dans les coulisses du
sport de haut niveau, il y a aussi des cas
délicats à gérer. Certains m’ont marquée à
vie. Heureusement, je peux compter sur le
soutien des membres du club, dont certains
sont devenus de proches amis, et de ma
famille. Sans cela, ce serait impossible.
Si je devais résumer l’IJRC en trois mots,
je parlerais de passion, d’amitié et de
combativité.
Est-ce diffi cile de mobiliser les
cavaliers ?
On pourrait penser que oui. Pourtant, même
si l’équitation est une discipline foncièrement
individualiste, une discussion avec n’importe
quel cavalier de haut niveau prouve que
chacun d’entre eux est disposé à agir pour
son sport. Le plus diffi cile est de les asseoir à
une table pour en parler ! Ce qui me pousse
à continuer, c’est le fait de tomber sur des
gens prêts à s’engager et à prendre la parole
pour convaincre les autres athlètes, comme
Steve Guerdat, Kevin Staut, Rodrigo Pessoa,
François Mathy Jr, Cayetano Martinez
de Irujo, Emile Hendrix ou encore Ludger
Beerbaum. Ils sont conscients que le fait de
cultiver ces échanges est nécessaire s’ils
veulent prendre leur destin en main et décider
de ce que sera leur sport dans le futur.
3—le tenant du titre, eric lamaze, et sa
merveilleuse jument Fine lady 5.
4—Steve guerdat, vainqueur en 2010 avec Jalisca
Solier.
5—christian ahlmann, lauréat en 2012.
6—Kent Farrington photographié avec son
prestigieux trophée devant le Jet d’eau voici
deux ans.
7—le podium 2014 avec Patrice Delaveau et Steve
guerdat entourant le vainqueur Scott Brash.
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©Rolex -Kit Houghton
Genève et l’IJRC (International Jumping Riders Club)